Quoi (ne pas) dire

Dr BergeronAujourd’hui, j’ai écouté une chronique de l’émission Divines tentations de Radio-Canada. Le Dr Richard Bergeron, psychiatre, y parle de neuf conseils clichés qui sont souvent donnés à des personnes souffrant de troubles de santé mentale. Ces phrases pourtant bien intentionnées éveillent plutôt la culpabilité du malade. Cette chronique, mon expérience de la dépression et le printemps ont fait germer des réponses dans mon esprit. Malgré des diagnostics parfois similaires, je suis consciente que chacun vit son expérience différemment. N’hésitez pas à me laisser vos propres réponses rigolotes en commentaires 😉

  1. Occupe-toi et essaie de te distraire

À cela on pourrait répondre : vraiment, c’est tout ce que j’essaie, mais c’est quasiment impossible. Mes parents, voulant justement faire une activité distrayante avec moi, m’ont de nombreuses fois traînée devant un film dans leur salon. Mais pour moi, même les avertissements du FBI au début du film ressemblaient à la scène d’ouverture de « Saving private Ryan » dans un cinéma IMAX. Bref, c’est bien beau l’écran plat et le son stéréo, mais c’était trop de stimulation. Je réussissais à faire passer le temps en regardant des séries sur mon ordinateur. Autant on a hâte de faire un marathon de séries quand on travaille, autant laissez-moi vous dire que sept heures en ligne de Friends ce n’est pas distrayant, c’est nocif.

  1. Veux-tu aller mieux?

Ben… oui. C’est quoi la suite à cette question? On dirait que tu vas me demander si j’ai accepté Dieu dans mon cœur.

  1. Change d’attitude

C’est clair que j’avais certainement des attitudes face à la vie qui m’ont menée là où j’en suis. Mais bon, en ce moment, je ne peux pas changer d’attitude puisqu’il n’y a plus aucun choix d’attitude. Mon cerveau m’offre la même diversité d’attitudes que le nombre de marques de farine dans un magasin général du début du 20è siècle. Une. Pis c’est l’attitude que j’ai en ce moment. Mais merci du conseil, je changerai quand mon cerveau se sera mis à l’heure des grandes surfaces.

  1. Arrête de te concentrer sur le négatif, voit plutôt le positif

En ce moment tu veux dire? C’est vrai, t’as raison, j’avais jamais autant profité du matelas à 700$ que je m’étais acheté, c’est une bonne façon de le rentabiliser. Aussi, j’économise en masse sur le savon et le shampoing parce que je prends ma douche aux trois jours… pis encore, je me lave les cheveux aux deux semaines. Côté sorties et activités c’est encore mieux comme économie : 0$ dépensé dans les trois derniers mois.

  1. Tu as tout ce qu’il faut pour aller mieux

Ça c’est vrai. J’ai une bonne famille, de bons amis, un médecin, un psychologue et surtout, un chat. Mais bon, même avec tout ça, aller mieux ça prend du temps. Tout cela n’agit malheureusement pas comme une poudre de perlimpinpin sur les neurotransmetteurs.

  1. Tout le monde se sent comme toi parfois

Euh… juste non. En fait, si tout le monde s’était senti comme moi parfois, y’aurait moins de gens qui me diraient des phrases comme ça.

  1. Prends le temps de prier et de méditer

C’est vrai que la prière et la méditation peuvent aider la santé mentale, mais on doit s’habituer à les pratiquer quand on se sent assez bien. Personnellement, j’avais de la difficulté à écrire une phrase de courriel alors pour les exercices de concentration, on repassera. La méditation enseigne aussi l’acceptation de son état et l’accueil bienveillant de ses émotions. Déjà le fait d’accepter qu’on n’est pas capable de méditer et de ne pas s’en vouloir est un bon début en ce sens. Je peux peut-être essayer un petit cinq minutes, mais bon, c’est vraiment pas ton meilleur conseil.

  1. Pourquoi tu ne peux pas travailler?

Laisse-moi te dresser un portrait de ce dont j’aurais l’air au travail, en supposant que j’aie réussi à me rendre sans accident. J’aurais certainement mon linge taché de la veille et les cheveux gras, sans mentionner la trace d’oreiller dans la figure. Je ne serais pas capable de prendre de décision alors je te regarderais l’oeil hagard et la babine tremblante dès que tu me demanderais un conseil. Je ne pourrais pas supporter de stress ni me concentrer alors en supposant que j’aurais trouvé le local du meeting, je partirais à pleurer dès que la boss me questionnerait sur l’avancement de mon travail. Je suis déjà assez humiliée comme ça merci, je vais prendre une pause du travail.

  1. Tu as la même maladie que j’ai eue et je m’en suis sortie

Attention, j’ai le même diagnostic que toi mais chacun vit sa propre expérience. Et chacun a l’impression qu’il ne s’en sortira jamais. Ça fait partie des symptômes de la dépression. Donc pour l’instant, tu vas devoir m’accepter avec mon attitude de « je ne m’en sortirai jamais »… et mes cheveux gras.

Maintenant qu’on sait quoi ne pas dire, quand on veut être un bon ami ou un bon collègue, qu’est-ce qu’on peut bien dire?!?! On peut écouter, ne pas juger, faire un câlin, dire : je comprends que pour toi c’est difficile et je sympathise. Offrir une simple présence rassurante est suffisant. Et si on est un bon ami, on peut dire : viens t’asseoir, prendre le thé et flatter le chat.

3 réflexions sur “Quoi (ne pas) dire

  1. Andréanne dit :

    J’aime tes réponses franches et directes dans ce billet! J’aimerais bien voir les faces des gens (et peut-être la mienne), lorsque tu leur répondrais cela. Je m’offre comme cobaye héhéhé… Que répondre à: Tu as l’air d’aller mieux…. est-ce que c’est une bonne phrase ? j’imagine que non, on devrait plutôt dire: Est-ce que tu vas mieux? puis prendre le temps d’écouter notre amie devant un bon thé en flattant le minou et en parlant de guépard 😉

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    • noemomie dit :

      Tu as raison Andréanne, c’est mieux de demander des nouvelles que de dire « tu as l’air d’aller mieux ». Cette phrase est aussi décourageante pour le malade qui a l’air bien mais qui va mal dans sa tête. Qu’est-ce que j’y répondrais? J’imagine que je dirais : « Bien oui, c’est mon nouveau fond de teint. J’ai commencé à me maquiller, comme ça au moins les gens ont arrêté de mettre du change dans mon café quand j’attends l’autobus ».

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  2. Ju dit :

    Ben d’accord avec d’est à ne pas dire- même avec de bonnes intentions, c’est tout plein de maladresse. . Ya aussi l’excellent: ‘c’est juste une passe’ (comme une *&&?&** de longue passe souffrante .que le ‘#$$$**).

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